L’attirance de JJ Milteau pour les formes du blues l’a conduit jusqu’à cette « vaste chronique de la vie dans le Sud »[1] des Etats Unis dans la première moitié du XXe siècle que représente l’œuvre du chanteur Lead Belly. Les divers métiers de celui-ci, la route, les honky tonks et les bordels où il a commencé à chanter, la violence qui l’a happé à plusieurs reprises, les pénitenciers où il a acquis son surnom (Ventre de Plomb) et d’où l’ont sorti les ethnomusicologues Julian et Alan Lomax, tout cela témoigne d’un état, on pourrait presque écrire : chronique, chez les Noirs américains dont l’affranchissement n’avait abouti qu’à une parodie d’émancipation. Aussi leur art l’exprimait-il de manière réaliste. Lorsque Lead Belly, pour ne citer que lui, chantait la mort, « on entendait s’armer le chien du fusil entre les mains du gardien, on voyait, sur fond de soleil rouge, suspendue à un arbre, [une] silhouette noire (…)[2] ».
Si JJ. Milteau compare Lead Belly à « un troubadour », il souligne aussitôt son rôle de « passeur entre la musique des songsters[3] et la musique moderne »[4]. Pour atteindre sa mesure et s’accorder musicalement à son univers, les deux artistes, le bluesman Eric Bibb et l’harmoniciste JJ. Milteau se sont associés. Dans Lead Belly’s Gold leur hommage rendu à Hubbie William Ledbetter, son vrai nom, est une question d’esprit. Il s’y glisse aussi quelques-unes de leurs compositions. Afin de parfaire leur talent.
[1] Jean-Claude Arnaudon Dictionnaire du Blues (filpacchi.1977).
[2] James Lee Burke : La pluie de néon (Rivages 1996).
[3] « Artistes populaires interprétant un répertoire folklorique, dans lequel le blues n’est pas encore détaché des traditions musicales noires » J-C. Arnaudon op. cit.
[4].Eric Bibb & JJ. Milteau rendent hommage à Lead Belly et à ses tubes. culturebox.franceinfo.fr